samedi 20 mars 2010

samedi 20 mars 2010


Ce matin, re-préparation pour le départ :
à 7 heures, jm se lève pour une dernière pêche avec Seka ; je l'entends qui s'affère sur le pont, car Seka n'arrive pas … un poisson « trompette » tourne autour du bateau, et quand finalement Seka arrive (10h) « hey, mon ami, ça va bien ? », ils se mettent à essayer de le pêcher : « c'est bon à manger avant de partir ! »
moi, je range à l'intérieur : tout ce qui pourrait tomber avec la gite, et un peu de nettoyage ...
tout d'un coup : « Mama, ça y est ! Mama, pred la photo ! »


Seka repart avec l'annexe pour chercher un boubou à jm ; en attendant, on cuisine le trompette … finalement, on ne partira que cet après midi ! Ou peut être ce soir ? Ou peut être demain ? Inch allah !
On veut prendre la direction de la SierraLéone ; maintenant que je suis rodée au mouillage, va falloir faire l'apprentissage de la navigation à deux … jm n'a pas l'air inquiet … ici, la météo est sans surprise, le vent secteur nord, de force 2 ou 3.
Pour une prochaine connexion internet, peut être à Ziguinchor dans 2 ou 3 jours si on s'y arrête, sinon dans 10 jours, on sera en SL (inch allah) et on ira à Waterloo pour avoir de vos nouvelles.

je ne sais plus si je signe « mama », car ici, je passe pour la mère de jm quand je dis que je m'appelle mama ! Alors je dis martine, et ils répondent « ha oui, Martinique, comme l'île que je connais »

quelques mots qu'on a appris (en wolof phonétique)
bismilaï (bienvenue)
salam alekoum (bonjour) alekoum salam (la réponse)
diérédiof (merci)
menguidem N'gor (je vais à N'gor)
baïma (laisse moi)
saï saï (voyou)

à bientôt,
martinic

18 heures, on est toujours là ! En attente d'une connexion pour faire partir ce dernier message, et convaincus par Seka qui veut nous accompagner demain matin. Il n'a jamais navigué sur un voilier, on fera la sortie avec lui, puis il rentrera en pirogue.

Donc jm veut en profiter pour nettoyer la coque, ça veut dire aller dans l'eau avec masque, palmes et un grattoir pour enlever les coquillages accrochés ; mais quel cinéma il me fait ! 2 heures de préparation psychologique, 1 heure avec de l'eau jusqu'aux genoux, il rigole bêtement « mais c'est trop froid ! », il plonge et ressort aussitôt « c'est pas possible » (j'ai des photos, mais il ne veut pas que je les mette) ; alors, j'utilise son discours habituel : « si tu veux, tu peux ! Un peu de sophrologie pour canaliser tes sensations, bon sang ! »
je sais que l'eau est très bonne (j'y suis allée une fois), mais Seka m'a dit que ce n'était pas bien, on me voit de la plage, et même si j'étais en short long, c'est pas bien … je le ferai en pleine mer, et ma difficulté à moi, sera d'aller profondément sous l'eau sans regarder l'abîme de l'abysse …! à chacun ses tares !!
On en profitera pour asperger complètement le pont, les bouts et les voiles qui sont couverts de poussière jaune (apportée par l'armatan, je crois, vent qui vient du désert).

vendredi 19 mars 2010


En prévision du départ, on prend l'annexe de bon matin avec des sacs à dos pour faire des courses : sur la grande avenue derrière le village, on tire des sous à la banque, et on se dirige vers les quelques étales ouverts ce jour … on est nuls, on a oublié que le vendredi est jour de prière, peu de gens travaillent ! on achète des légumes et des fruits (les mêmes sortes et au même prix que chez nous) avec en plus des patates douces et des mangues. Ce sont les mêmes, mais la différence, c'est le goût ! À la première bouchée, tu t'extasies, mais le plus, c'est que toutes les bouchées suivantes te surprennent toujours autant ! A l'échope suivante tenue par des libanais, on se procure en oeufs, farine, tomate concentrée, huile, un litre de lait (c'est très cher!!) et ... PQ (va expliquer ça ici ! : le papier que les toubabs utilisent pour se laver … ils t'amènent des kleenex - non c'est en rouleaux … ils t'amènent du sopalin – non, plus petit … ok c'est ça !!!! et ils rigolent !)
après la sieste (je vous assure qu'entre 13 et 15 h, on ne peut rien faire d'autre !), je fais une semoule sucrée avec la semoule (mil et maïs) que m'a donné la mère de Seka, je prépare la pâte à pain et la pâte à pain d'épice pour les petits dej'.
Pendant que les pâtes lèvent, on reprend l'annexe pour aller dire au revoir à Seka et sa famille, trouver les containers poubelles, et remplir encore 4 bouteilles de 10 litres d'eau.
 Arame est là aujourd'hui, et je fais sa connaissance, dans « sa pièce » comme dit Seka, pendant qu'il emmène jm auprès de Makhtar, le marabout (en fait, c'est son frère) ; au début, je la sens un peu timide ou mal à l'aise, elle ne me regarde pas en face ; pourtant, elle parle français mieux que Seka ; elle a fait 2 ans d'études après le bac pour être « éducatrice aide maternelle » ; elle me montre les cahiers et m'explique le programme scolaire, les difficultés à être payée par l'Etat, et petit à petit, ses envies de venir travailler en Europe (elle parle français, anglais et espagnol) ; elle me raconte que Seka a déjà essayer de venir en France en 2002, mais qu'il s'est fait refouler dès son arrivée à Paris ; à force de parler, je comprends que son envie n'est pas forcément de partir pour travailler, si elle pouvait seulement VOYAGER, « comme vous, connaître d'autres pays, d'autres façons de vivre » … elle fait régulièrement des demandes de visa qui lui sont refusés … Cathy ! Help me ! Que répondre à cette injustice ? Du coup, c'est moi qui suis mal à l'aise ... alors elle me propose d'aller remplir les bouteilles : on monte sur le toit-terrasse du bâtiment, il y a un petit cabanon qui abrite le réchaud-gaz, les énormes gamelles et le robinet (c'est la cuisine familiale collective, et j'ai compris qu'elle y cuisine tous les 4 jours). Je lui raconte ma pâte à pain qui doit être en train de gonfler et déborder du saladier … - alors, il faut aller chercher jm, sinon, ils parlent toute la nuit
Effectivement, malgré ma présence, on ne peut s'en aller ! Seka et Makhtar veulent tellement dire de choses à jm (ils essayent de le convaincre de l'avantage d'avoir 4 femmes), qu'ils parlent en même temps, vite, à moitié en wolof , et en essayant de couvrir les tamtam…! on ne comprend plus rien, et pas possible d'en placer une (et surement pas moi) !
Voulant sortir de l'immeuble, on se retrouve coincés et en expectative : dans la rue de Seka (60 cm de large, je vous rappelle), bouchée d'un côté par un groupe de djembé-men (les longs, sur lesquels on frappe avec des flex !), et de l'autre par le groupe des femmes, sagement adossées au mur, maquillées, perruquées, en boubou magnifiques, et qui, chacune à leur tour, viennent danser complètement déchaînées devant les musiciens ; c'est la fête d'un baptême, et on reste là, scotché (grrr, je n'ai pas mon appareil photo …)
Finalement, il est 9 heures du soir (nuit noire), Seka nous guide dans le labyrinthe de ruelles du village, nous fait acheter quelques pâtisseries (jm a craqué) chez l'un, du lait en poudre et de la vache qui rit (j'ai craqué) chez l'autre, puis tente de trouver les containers pour déposer nos poubelles … on comprend qu'il n'y a pas de containers, mais qu'on doit les déposer là, en espérant que c'est bien sur le trajet du camion qui les ramasse … on avait fait un tri (verre, emballages), mais faut pas rêver !
De retour au bateau, la pâte à pain a dégouliné sur la table, et celle du pain d'épice dans le four … ! nettoyage et cuissons avant de se coucher ...

jeudi 18 mars 2010

jeudi 18 mars 2010




j'ai du mal à savoir la date, l'heure …

ce que je sais, c'est que je suis arrivée lundi à l'aéroport de Dakar à 3 h du matin et que je suis maintenant sur thorsson au mouillage de N'gor, au nord de Dakar : une anse protégée par une petite île.

Le petit village d'N'gor s'étale devant la plage, avec à gauche, de petits hotels tenus par des villageois en moellons peints, des petits bars et un embarcadère à pirogues qui traversent toute la journée pour l'île (sur l'île, ce sont des hotels tenus par des toubabs) ;

à droite, des maisons à un étage, en moellons bruts, enchevêtrées, non terminées, avec des ruelles ensablées de 60 cm de large ; ça fait très gris, seulement quelques palmiers maigres et chétifs ;

sur la plage, des moutons qui broutent (?) les ordures sur la plage, les belles pirogues des pêcheurs, des femmes qui passent avec des chargements sur la tête, des enfants qui jouent au foot, des lutteurs (sport national) qui s'entraînent au son du djembé, des mecs qui lisent la charia à l'ombre d'un bateau, des toubabs qui cherchent où marcher sans salir leur pantalon Décathlon, des vieux blancs qui se balladent au bras d'une jeune black …

cinq fois dans la journée, l'appel à la prière d'un imam depuis l'un des trois minarets par dessus le bruit des moteurs des avions qui décollent, par dessus les chants de soldats en tenue kaki + gilets de sauvetage orange fluo qui s'entraînent à ramer et à manoeuvrer sur des pirogues comme des galériens sous le soleil de plomb …

cathy m'a demandé : alors tes premières impressions sur l'Afrique ?

À vrai dire, à la sortie de l'avion, l'odeur de la mer, du poisson, la touffeur de l'air (et pourtant il était 3 h du mat') et l'assaillement des taxi-men, des mecs qui proposent de changer tes euros, m'ont tellement déboussolée que je n'ai même pas vu le seul blanc (bien marron en fait), hirsute, en short crado, qui rigolait en me voyant si perdue, et vexé que je ne le repère pas au milieu de cette foule colorée …

Le premier jour, jm partant tôt avec son pote Seka à la pêche, je n'osais même pas sortir du bateau ! Je m'accrochais à qq références du monde que je venais de quitter : faire un nescafé, rouler une clope ... et je me forçais à regarder autour de moi ; mais tout était trop éblouissant, la petite nausée persistante et la chaleur me rendaient larve !

Puis chaque nouveau jour, c'est devenu mieux : j'ai réussi à faire du vrai café, j'ai pris des photos, j'ai rangé mes valises, j'ai mis de la musique, j'ai fouillé les réserves de bouffe, je me suis baignée, j'ai pris des douches, j'ai fait du pain

et surtout, j'ai retrouvé mon hom', on a passé des heures à se raconter ;

puis j'ai rencontré Seka : il est tout content de pêcher avec jm qui participe à l'essence du moteur de sa pirogue et surtout qui emmène des « rapala » (hameçons spéciaux) ; il nous laisse un poisson, me montre comment le cuisiner et mange avec nous, ou reste juste le temps de boire les 3 thés, et de discuter : de pourquoi on est là, de sa femme et sa famille, de la vie au village, des sacs plastiques qui flottent, de son neveu qui est ingénieur à EDF à Marseille, des pêcheurs qui gagnent plein d'euros parce qu'ils pêchent à la mine, de son père qui ne voulait pas qu'il travaille dans l'hôtel des toubabs de peur qu'il boive de l'alcool … dès que le sujet le dérange, « dieu a dit, dieu a dit, ou inch allah, inch allah » ; on a l'impression qu'il a bcp de réponses toutes faites, toutes inculquées, et qu'il n'a pas souvent appris à réfléchir par lui-même, mais il est curieux, un peu profiteur bien sûr, mais je crois qu'il nous aime bien aussi ; il a insisté pour nous emmener chez lui (on voulait rencontrer sa femme Aram, mais elle travaille à Dakar, elle doit être aide-maternelle) ; on a donc fait connaissance avec sa mère, ses neveux, pleins de femmes … mais pas Aram ! À défaut, il nous a montré son album photos de mariage …

Puis il nous a emmené chez le marabout de sa famille (enfin jm d'abord, puis il est venu me chercher) : un jeune en boubou blanc, il est le médecin, philosophe, éducateur, installé dans une pièce un peu sombre de 2 mètres sur 3, un lit et une armoire, le tout recouvert de bouteilles, fioles, pots ou calebasses de poudres, grigris, colliers, masques … et dans un coin, un ordi avec écran plat, ouvert sur skype ! Impressionnant tout d'abord ! Mais finalement, le va et vient des enfants, des femmes qui l'apostrophent (en wolof, on comprend rien), Seka qui amène le thé, et sa propre simplicité, envie d'échanger avec nous, d'une manière différente, très ouverte sur le monde et pleine d'espoir pour les africains ! Je ne peux résumer cette heure de discussion, mais c'était super.


Jm : « hou, comme ta description est noire ! »

ben oui, c'est seulement petit à petit que je prends plaisir à être là

ben oui, la plage n'est pas une plage de carte postale

ben oui, je m'inquiète déjà pour ma première navigation prochaine

mais laisse moi m'adapter !!!


demain, on fait les courses pour charger le bateau et on va voir ailleurs...